LA CAMÉRA PATHÉ-WEBO "Professional REFLEX 16 AT
BTL"
Par Robert Guénet
Mes premiers essais cinématographiques furent tournés en
16 mm, non par un désir de jouer les petits professionnels, mais pour un motif
plus terre à terre : peu argentés mais désirant un projecteur sonore d'un prix
abordable pour nous, avec un ami passionné comme moi, nous avions fait
l'acquisition aux puces de St Ouen d'un Pathé-Vox 16 (appareil plutôt rare
maintenant dans ce format, mais c'était dans les années 50) et nous étions tout
heureux de montrer aux amis et connaissances de vrais longs métrages, soit
loués chez Chaffart (que les anciens ont dû connaître), ou empruntés à un
ciné-club ami.
Lorsque vint
le désir de tourner à notre tour des images plus personnelles, nos moyens
limités furent affolés par ce qu'on pouvait trouver sur le marché de l'occasion
et notre choix se porta alors sur une petite GIC à chargeur de quinze mètres
avec pour tous réglages : distance et diaphragme. Elle semblait neuve et nous
donna toute satisfaction car nous tournions en noir et blanc et généralement
avec un pied (cet accessoire, à lui seul, mériterait une ample description) !
De ces modestes essais, il reste encore quelques bobines qui figurent parfois
dans des commémorations du passé de notre ville.
Certes, les
vitrines des magasins spécialisés ne manquaient pas d'attiser nos envies et
j'ai souvent rêvé devant la Pathé-Webo M qui n'avait pas encore fêté ses dix
ans (elle a dû être commercialisée vers 1946, sauf erreur*). Puis vinrent les
obligations militaires (la guerre d'Algérie fut très longue pour nous) et le
cinéma fut laissé un peu de côté. L'arrivée des enfants ne pouvait que raviver
le désir de fixer leurs premiers pas mais il fallut se montrer plus raisonnable
dans les formats de pellicule avec un matériel plus perfectionné. J'ai pu ainsi
expérimenter le 8 mm, d'abord avec une Pathé "Lido" avec zoom à visée
reflex adaptable, puis une Ercsam reflex avec tout ce qu'on peut souhaiter y
compris la marche arrière, ensuite vint le super 8 avec les Beaulieu 5008,
7008, des Canon jusqu'à la 1014 XLS : j'étais converti au petit format.
Voilà une
bien longue introduction pour vous dire que des vieux rêves peuvent ressurgir
au moment où l’on ne s'y attend plus. C'est ainsi que lors de la dernière foire
"Le village du Cinéma" place St Sulpice à Paris, je vis sur le stand
de notre ami Carvalho le dernier modèle de celle qui m'avait tant fait rêver
dans ma jeunesse : la Pathé-Webo "Professional Reflex 16 AT BTL". Un
chèque - raisonnable, en plus - et le vieux rêve devint réalité. Mon plaisir
d'avoir entre les mains cette belle machine me donne envie de partager avec
vous ma découverte et je vais tenter de vous en faire une description fidèle.
La
photographie de l'objet montre déjà la beauté de sa conception certes fortement
influencée par la « Kodak Spécial » et, d'entrée de jeu, on pressent
déjà tout son équipement (il manque par contre l’œilleton caoutchouc de visée,
sans doute victime du temps !) :
- Une
tourelle verrouillable pouvant supporter trois objectifs monture "C"
donc à vis (pas S.I) variables selon le format, (cette
caméra était disponible en 16, 9,5 ou double super 8 mm) ou munie d'un objectif
à focale variable (sur la photographie un Angénieux Type LC2 17"68 ouverture 1 : 2,2).
- Une visée reflex continue utilisant une mince lame à
faces parallèles inclinée à 45°, une commande de l'obturateur variable en
marche permettant de réduire les vitesses d'obturation et de réaliser des
fondus enchaînés grâce à une marche arrière manuelle, une cellule reflex type
"BTL" (behind the lens) non asservie, enfin des vitesses variables de
8 i/s à 68 ou 80 i/s soit 16 ou 18i/s, 24 i/s et 32 i/s avec, en plus, les
possibilités d'image par image et de pose "B" sur une image. Le
circuit galvanomètre-cellule est commandé par deux contacts : le volet du
viseur et un contact frontal pour l'opérateur et il se trouve également coupé
lors de l'ouverture de la caméra pour chargement ou déchargement.
- En utilisation normale (un moteur électrique
adaptable existait en accessoire grâce à une sortie d'axe 1 image par tour)
cette caméra étant "mécanique", la manivelle permettant son remontage
est protégée par un signal sonore qui évite un blocage du ressort, ce même
signal annonçant également l'arrêt prochain de la prise de vue.
- Un demi-tour du bouton décoré du Coq situé au dos de
la caméra et le couvercle peut être enlevé découvrant la partie mécanique : un
palpeur indique la réserve de film, la pellicule vierge sur bobines de 30
mètres est entraînée par un gros débiteur central et le chargement est
automatique (après avoir manoeuvré les deux presseurs il est impératif de les
libérer manuellement lorsque le film est arrivé à la bobine réceptrice).
- Un indicateur signale la présence de film dans la
caméra (bobine de 15 ou 30 mètres), en plus du palpeur décrit plus haut, et un
compteur d'images permet d'apprécier avec précision la durée d'une scène ou
celle d'un trucage.
Ajoutons que
de nombreux accessoires pouvaient équiper cette caméra dont le poids est
déjà assez respectable : 2, 2 kg avec la poignée et 30 mètres de
pellicule !
- Deux chargeurs 120 mètres se plaçaient sur le haut de
la caméra par simple enlèvement d'une semelle de protection vissée, un moteur électrique
8/80 à tachymètre sous 8 volts fixé sur une semelle-support et alimenté par une
batterie ou un bloc d'alimentation pouvant servir de chargeur pour la batterie,
un compendium avec porte-filtres et parasoleil à soufflet, un viseur coudé en
cas de visée normale difficile, un raccord microscope pour le macro-cinéma.
Enfin, comme tout cela est estampillé « Made in France » on ne peut
que s’associer au Coq Pathé pour lancer un superbe « Cocoricoooo ! ».
J'espère, en
ces quelques lignes, avoir réussi à vous faire partager mon enthousiasme
juvénile. Dans les années 70 une telle caméra coûtait encore fort cher, mais
que de plaisir a-t-elle pu procurer. À vous de juger...
*Elle figure dans l’almanach Prisma de 1947.
(Article publié dans Cinéscopie n°27 - septembre 2012)
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