Un petit cousin de la projection animée
Dans la rubrique « Boîtes à chaussures,
charentaises et autres objets de confort pédestre », un petit cousin de la
projection animée : les projecteurs de vues fixes en longueur au format 35
mm et les films qui l’accompagnent.
Il ne suscite que peu d’intérêt, d’une esthétique
rarement attrayante, quoi que… Pour certains, ce serait une forme de
sous-produit du cinéma, là aussi, quoi que…
Si pour les plus âgés, et à la mémoire vive, chacun se
souvient de la projection qui ressemblait autant à une récompense qu’à
l’illustration d’un cours des années 50, c’était plutôt un moment agréable
voire inattendu ! S’y ajoutait la « mise en place » :
obscurcissement approximatif des fenêtres, accrochage laborieux du drap tenant
lieu d’écran, démêlage de la rallonge, déplacement des pupitres et le chahut
incontournable qui accompagnait cet événement car c’était un vrai
évènement !
Soyez rassurés pour la suite, il ne s’agit pas de sénilité
précoce (avant c’était mieux !), mais d’un témoignage argumenté.
Projecteur Daffy
Dès le début des années 30, les plus grandes marques de la
photographie argentique produisaient et assuraient ainsi la belle succession
des lanternes magiques. Leitz, dans le catalogue Tiranty de 1932, par exemple,
remplaçait ainsi la Maison de la bonne presse.
Sa vocation, liée pour l’essentiel, à l’acte pédagogique, ne
fait aucun doute. Sa parenté vis-à-vis de l’antique lanterne magique est
évidente, tant dans son dispositif optique que par la fixité et le grand format
des lumineuses images projetées.
Pathé avait ouvert la voie en 1923 avec ses films Pathéorama,
la visionneuse des dites vues 30 mm – une rangée de perforations supprimée –
était individuelle, dispositif en carton, tôle, bakélite, tout comme par
analogie hasardeuse avec le kinétoscope Edison. Des projecteurs s’y sont
ensuite ajoutés tout en conservant l’objet passe-vues initial. Vision
collective donc ! A noter des séries coloriées au pochoir, tout comme les
vingt films Pathé-Baby 9,5 mm.
La pellicule inflammable 35 mm en sera le support et remplace
les plaques de verre lourdes, encombrantes et surtout fragiles.
Les sujets multiples et variés, voire inattendus, en
noir et blanc puis en couleurs, ne pourraient faire l’objet d’inventaire tant
les éditeurs furent nombreux ainsi que les thèmes abordés : vues
enfantines, touristiques, scientifiques, religieuses (Ah ! La vie de
Jésus !, Oh ! Les fables de La Fontaine !, Ah ! Le baron de
Crac !, Ouille ! Les malheurs de Sophie !, Zut ! Le code de
la route !, etc.). Les clients ne manquent pas : Ministères, SNCF,
Croix rouge… Le champ est large.
Les greniers d’écoles rurales et urbaines regorgent encore
aujourd’hui de ces bandes contenues dans des réceptacles ronds ou carrés, en
carton, plastique ou aluminium, pieusement conservés dans l’inévitable boîte à
chaussures. Par chance, les « instits », quand ils ne font pas
l’objet de suppression de postes, conservent ces « relique du
passé » avant que l’évacuation du dit grenier vers la déchetterie la plus
proche, n’en prononce le deuil tant physique que de mémoire.
L’investissement/sauvegarde sera toujours généreux dans le vide
grenier proche selon la pointure de celui ou celle qui a procédé au rangement.
Prudence toutefois, le contenu des petites boîtes peut-être différent du titre
affiché, le rangement après projection ayant pu s’avérer approximatif.
C’est rarement prohibitif, moins cher que le contenu de
l’emballage initial !
Une cinquantaine de bobineaux
pour quelques euros peuvent satisfaire votre curiosité , bonnes et
mauvaises surprises à l’avenant.
Surprises aussi après consultation détaillée : la
« Pub » est déjà présente. Banania accompagne la fédération française
de basket-ball pour expliquer les règles de ce sport. La RNUR (Renault) et SMCA
(Société Industrielle et Mécanique de Construction Automobile, puis Talbot !)
nous expliquent le fonctionnement de l’automobile… et bien d’autres…
L’appareil de projection n’a pas toujours bénéficié des mêmes
égards. La défaillance de l’ampoule et son remplacement aléatoire voire son
coût et les changements de tension électrique lui a imposé la « montée au
grenier ». A noter la variété des lampes utilisées, tant pour la tension
allant de 6 à 220 volts avec des culots multiples (trente références au
catalogue Photo-Plait de 1936), rien que ça !
Quant à son maniement, pas d’observation tant
l’évidence s’impose.
D’autres images « venant de
devant » ont remplacé celles qui venaient « de derrière ». Une
grosse pointure ne pouvait le contenir, poussière et toiles d’araignées l’ont
envahi sans fuite de toiture dans le meilleur des cas.
Toutefois, pour les amateurs de
technologie, leur fabrication fait souvent l’objet de soins et de matériaux
recherchés hors la ventilation de la lampe souvent absente. Selon l’époque, on
passe d’une carrosserie imposante en tôle peint martelée assortie du rhéostat
et de l’ampèremètre de rigueur assemblés dans un coffret en bois gainé à un
modèle en bakélite, refroidissement par circuit d’eau, rotation du passe-vues à
90° ou le parallélépipède en tôle peinte, inesthétique mais efficace.
Quant à l’optique classique, souvent de longue focale,
s’y ajoute un filtre anti calorique quasi incontournable eu égard à
l’immobilisation prolongée de la pellicule image souvent pincée et guidée dans
le passe-vues par des verres optiques. Hormis le câble de raccordement à
actualiser, seule une séance de ménage s’impose, le nombre de pièces en
mouvement étant voisin de zéro. Le coton-tige imbibé d’alcool à brûler sera un
précieux partenaire pour les recoins peu accessibles.
Tous les ingrédients du futur projecteur de diapositives 24 x
36 sont réunis, dans leur simplicité comme dans leur complexité à venir pour
les derniers survivants. De même que pour les bandes d’images, impossible de
référencer les constructeurs et modèles produits pendant plusieurs dizaines
d’années.
A noter toutefois que le fameux « Carrousel » est
incapable de projeter ces bandes à moins
d’opérations chirurgicales et re-montage dans des cadres adaptés.
Pourquoi en parler ? Parce que les images argentiques de
grande qualité contenues dans ces bandes de 90 à 150 cm de longueur et
contenant jusqu’à 40 images sont des éléments incomparables de mémoire voire de
muséographie, tout comme les vues stéréoscopiques. J’en ai vérifié le bien
fondé récemment auprès de conservatrices de musées afin de donner un minimum de
légitimité à cet article.
Par ailleurs, quoi de plus pratique pour visionner, image par
image, les photogrammes d’un bobineau de 35 mm d’aujourd’hui avant qu’il ne
devienne virtuel, de plus, on peut consulter la piste sonore.
PS : C’était à Saint-Chabrais en janvier 2004, en
Creuse (profonde), au cours d’ateliers autour du pré cinéma, dans une classe
unique, que l’assistante maternelle apporta triomphalement la boîte
«André » et son précieux contenu après une périlleuse descente d’échelle.
Après « bidouille », la grosse lanterne magique est parvenue à
effectuer une projection honorable… faute de lampe pour l’appareil original.
Heureuse surprise, avant retour au grenier, c’était à l’inventaire !
Vous savez donc tout sur le titre. Ne négligez jamais
le contenu d’une boîte à chaussure, elle peut contenir des trésors !
Claude Bataille
Des sites Internet :
Les photographies des appareils sont, pour certaines,
celles d’appareils qui ont été mis en vente sur eBay.
(Article publié dans Cinéscopie n°20 - Décembre 2010)
(Article publié dans Cinéscopie n°20 - Décembre 2010)
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