HENRI MOIROUD, PHOTOGRAPHE DE PLATEAU
Par Roger Besson
En
1993, un collègue de travail amena dans mon bureau un client en me disant qu’il
avait bien connu Marcel Pagnol. Connaissant ma passion pour le cinéma, il avait
compris que je serais intéressé. Ce monsieur, pas très grand, le cheveu
grisonnant, avec des yeux malicieux derrière ses lunettes inspirait tout de
suite la sympathie. Ce fut le début d’une amitié qui dura jusqu’en 1997 (date
de mon changement d’affectation).
Henri Moiroud, Marcel Pagnol, Jacqueline Pagnol et un guide d'Allauch
(de gauche à droite) posent dans la garrigue, 1945 (www.archives13.fr)
Henri Moiroud m’explique qu’il avait été photographe de plateau notamment de René Clair (film « AIR PUR » resté inédit). Il fut ensuite occupé pendant un an au Service Cinématographique des Armées. Il utilisait un appareil à photo Rollei ce qui le différenciait de ses collègues photographes de plateau qui se servaient de grosses chambres sur pied, difficiles à déplacer. Pagnol fut intéressé par cette technique et confia à Henri Moiroud la prise de clichés de «LA FILLE DU PUISATIER » dont toutes les
photos connues sont de lui. Il a également photographié « MANON DES SOURCES » (avec Jacqueline Pagnol). Nous lui
devons aussi les rares clichés du film « LA PRIERE
AUX ETOILES »
de Pagnol, jamais projeté.
Henri Moiroud m’explique qu’il avait été photographe de plateau notamment de René Clair (film « AIR PUR » resté inédit). Il fut ensuite occupé pendant un an au Service Cinématographique des Armées. Il utilisait un appareil à photo Rollei ce qui le différenciait de ses collègues photographes de plateau qui se servaient de grosses chambres sur pied, difficiles à déplacer. Pagnol fut intéressé par cette technique et confia à Henri Moiroud la prise de clichés de «
Sachant
que j’avais une maison dans le Luberon, Monsieur Moiroud me parla du tournage à
Lourmarin de « ARLETTE ET L’AMOUR » en 1943 (dialogues de
Marcel Pagnol) où il photographia Josette Day. J’ai pu voir d’elle des photos
très belles.
Il
m’a raconté que Pagnol l’avait contacté pour photographier « LES LETTRE DE MON
MOULIN » ce qu’il ne put
accepter étant déjà engagé sur le tournage de « ATOLL K » avec Laurel et Hardy et Suzy Delair réalisé à
Marseille et à Nice.
Laurel et Hardy dans Atoll K.
Lettre de Pagnol à Moiroud (collection R. Besson)
Je
rendais souvent visite au domicile d’Henri Moiroud. C’était un véritable
plaisir de voir accrochées au mur de très grandes photos qui auraient fait le
bonheur des cinéphiles : Laurel et Hardy en balade sur la promenade des
Anglais, Henri Moiroud et Oliver Hardy photographiés par Laurel, Josette Day en
petite tenue, Gaumont et Louis Lumière avec Tino Rossi, clichés de Fernandel,
de Raimu, de Suzy Delair …
2ème lettre de Pagnol à Moiroud (collection
R. Besson)
J’ai
découvert de nombreuses anecdotes sur des côtés insolites du cinéma.
Ne
voulant pas collaborer avec les Allemands, Marcel Pagnol simula un accident
(explosion d’un sunlight qui lui avait endommagé la vue) avec photo à l’appui,
et témoignage de médecins. Je possède la photocopie de l’article de presse,
inquiétant, sur cette supercherie.
J’ai
reçu également une confidence sur le tournage du « GARDIAN ». Tino Rossi était doublé pour les scènes à
cheval par un gardian. Celui-ci faisait cabrer le cheval ce qui était d’un bel
effet et Monsieur Moiroud l’avait photographié. Tino Rossi voulut imiter cette
performance, il réussit à faire cabrer la bête le temps d’un cliché mais il ne
réédita pas la chose pour le film et c’est bien le gardian qui figure dans le
film. Je possède la copie des 2 photos.
Sur
le tournage de la « PRIÈRE AUX
ÉTOILES » Marcel Pagnol avait admis exceptionnellement deux invités
Pierre Benoit et sa femme. Habituellement Pagnol restait dans la cabine du son
pour écouter la scène, mais à cette occasion, l’accessoiriste avait installé
trois fauteuils en retrait de la caméra. Henri Moiroud les photographia,
émerveillé du jeu de Josette Day et Pierre Blanchar. Le cliché fut confié à TOE
(avec au dos un texte : « Monsieur et Madame Pierre Benoit assistent
en compagnie de leur ami Marcel Pagnol au tournage de la Prière aux étoiles »)
et parut dans les cahiers du cinéma. Quelques jours plus tard, la véritable
Madame Benoit reçut la revue et constata les infidélités de son époux (il avait
56 ans et plus de 35 ans de mariage dixit Henri Moiroud). Elle téléphona à Marcel Pagnol : « Marcel, Ne
crois-tu pas que mon mari se suffit ainsi en sortant avec sa maîtresse sans que
tu sois obligé de lui faire de la publicité ?...
Marcel Pagnol convoqua Henri Moiroud (c’était en 1941, il y avait peu de temps qu’il travaillait au studio). Il reçut quelques conseils pour devenir un bon journaliste. Il répondit « Monsieur Pagnol, en voyant ce couple si souriant, si détendu… du même âge… j’ai pensé… » .Pagnol l’arrêta net et lui confia à l’oreille « Tu as raison ! Quand on prend une maîtresse, on la prend jeune et jolie ! »
Henri
Moiroud a rédigé pour ses petits enfants un cahier de souvenirs qu’il a
intitulé « Une valse ». Il serait intéressant que sa famille fasse
éditer ce travail.
J’ai
amené au domicile de Monsieur Moiroud plusieurs journalistes qui ont ainsi
rédigé plusieurs articles très intéressants. Parmi ces visiteurs, outre Fernand
Meric producteur de films, le Directeur des archives départementales que
j’avais avisé de l’intérêt de conserver cet ensemble de documents inédits.
Fernandel pose pour Henri Moiroud
qui le photographie, 1945 (www.archives13.fr)
Il
faut savoir que pour chaque tournage, Monsieur Moiroud réalisait beaucoup de
clichés. Le lendemain, après développement, il les présentait au réalisateur
qui choisissait ceux qui l’intéressaient et les lui payait, le surplus (les
invendus) restait la propriété du photographe.
Cette
exceptionnelle collection de photos (plus de 5000 dont des Raimu, Fernandel…)
suite à mon initiative a donc été acquise par les archives départementales des
Bouches du Rhône, après qu’Henri Moiroud ait identifié chaque négatif. Des
expositions ont été organisées dans la région.
Monsieur
Moiroud nous a quittés en 1999, il me laisse le souvenir d’un formidable
conteur d’anecdotes, d’une mémoire du cinéma : je pense à une revue de
Mistinguett qu’il m’a dit avoir filmée et dont on a perdu la trace ; il
m’a raconté aussi avoir tourné une séquence de Manon des sources l’opérateur
étant parti.
Henri
Moiroud m’a offert quelques documents, il a aussi photographié mon fils avec sa
femme et son fils, une merveilleuse lumière illumine ce cliché : tout
l’art d’Henri Moiroud
Il
m’avait expliqué pour certains clichés en extérieur avoir réfléchi la lumière
avec un bâton. Il
s’insurgeait de voir publier ses photos sans qu’il soit même fait mention de
son nom. Souhaitons
qu’un jour, la profession cinématographique rende à Henri Moiroud la place qui
lui revient. Lorsque je vois des cartes postales ou des documents tirés de ses
photos de « La fille du puisatier » ou de « Manon des
sources », je cherche attentivement mention de son nom et ne le trouve
pas. Et pourtant ces photos sont très connues et appréciées.
Portrait de Josette Day par Henri Moiroud, 1941
((www.archives13.fr)
(Article publié dans Cinéscopie n°20 - Décembre 2010)
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